L’association christophorienne « Histoire et Patrimoine » présentait vendredi soir sa seconde animation de l’année. Le challenge de cette soirée était de résoudre plusieurs énigmes se rapportant à un tableau, situé dans l’église communale, au niveau du maître autel.
L'église paroissiale
Tout d’abord, quelques mots sur cette église classée datant du XIIe au XIXe siècle et abritant de nombreuses fresques ou peintures murales datées du XIIIe au XVIe siècle, des statues et des tableaux. C’est donc à l’un de ces tableaux « La Résurrection du Christ » que notre Sherlock Holmes local, en l’occurrence Karen Vignoles, historienne de l’Art, s’est intéressée.
Voyons donc le cheminement de notre détective pour apporter tous les éclaircissements qui permettront désormais de mieux appréhender cette œuvre mal connue. Ses outils : Internet, sa formation d’historienne de l’Art, ses bouquins et sa perspicacité !
Beaucoup d’interrogations sans réponses jusqu’à cette soirée pour cette peinture bien mal située de nos jours car, bien qu’en bonne place au centre du maître autel, elle est en partie masquée par un palmier doré qui s’élève devant elle au centre de l’autel !
Le tableau masqué avant et après restauration
Karen a tout d’abord été surprise par les dimensions de ce tableau presque carré (H : 2 m, l : 1,90 m). En l’observant, il semblerait qu’un morceau de toile ait été enlevée dans la partie haute lors de la restauration.
Une première mention de cette œuvre apparaît en 1860, suite à une visite diocésaine par l’archevêque de Tours. Le 3 mars 1906, après la loi sur la séparation de l’église et de l’état, toutes les œuvres religieuses présentes dans les églises sont recensées. Pour Saint-Christophe, il est question d’un tableau intitulé « Ascension du Christ ». Karen fait remarquer qu’il y a souvent eu une confusion entre « Ascension « et « Résurrection ».
Pour ses recherches, elle a mené son « enquête » sur le terrain de l’Histoire et non de l’histoire de l’Art.
La particularité de ce tableau c’est que, lors de sa restauration en 1996-1997, au-dessous d’un repeint, quatre personnages situés en bas sont apparus… Très rapidement, il s’est avéré qu’il s’agissait de membres de la famille de Bueil-Sancerre.
Première question : Qu’est-ce qui a permis cette identification ?
Les armoiries présentes aux côtés des hommes montrent qu’il s’agit de Jean VII de Bueil à droite (DC en 1638) et son père Louis IV (DC en 1563), à gauche. Derrière Louis, sa veuve, Jacqueline, toute vêtue de noir et derrière Jean VII, son fils René (DC en 1640). En observant les personnages, on constate que les personnes situées à l’arrière sont coupées ce qui permet de penser qu’à l’origine, les dimensions du tableau étaient plus importantes.
L’identification des Bueil donne une idée de la période de réalisation du tableau et du nom du commanditaire, vraisemblablement Jean VII.
Mais, nouvelle interrogation : « Pourquoi se trouvent-ils sur un tableau sis dans cette église ? »
On peut penser que l’œuvre avait été commanditée pour la collégiale de Bueil-en-Touraine. Mais après le recensement et la restitution des toiles au début du XXe siècle, il est probable que le tableau ait été récupéré par la paroisse de Saint-Christophe. Il est bien visible sur une carte postale de 1930.
Mais, d’autres questions méritaient aussi que quelqu’un s’intéresse de plus près à cette œuvre dont on avait juste une idée de la date de sa réalisation, le début du XVIIe siècle.
Car, malgré bien des recherches, à aucun endroit de la toile n’apparaît le nom du peintre. Qui a donc réalisé cette œuvre ?
Pour trouver la réponse à cette question, c’est l’historienne de l’Art qui a pris le relais. Quelques données sont maintenant connues : l’époque et le lieu géographique. La technique utilisée pour cette œuvre est proche du Maniérisme qui est en vogue en Italie et qui arrive en France : couleurs, représentation des personnages,… Karen lance donc ses recherches vers des peintres Maniéristes pour comparer les œuvres. Au fil des avancées de ses trouvailles, elle oriente ses recherches vers la Bretagne et tombe sur un peintre méconnu de nos jours et en même temps, sur une personne assez fanatique de ce peintre, le prêtre Roger Blot, chargé du patrimoine religieux du diocèse de Rennes, qui a fait tout un travail sur cet artiste peintre. Contact est pris et Roger Blot quitte sa Bretagne pour venir à Saint-Christophe voir le tableau. Pour lui, pas de doute. Il est convaincu que ce tableau est bien l’œuvre de Mathurin Bonnecamp (1590-1627).
Un tableau de Mathurin Bonnecamp montrant une similitude avec le Christ peint sur le tableau de l'église de Saint-Christophe
Présent lors de la conférence, il a mentionné que de très nombreux tableaux de ce peintre ornent les murs des églises de Bretagne mais également de nombreux édifices religieux de la Sarthe. Un tableau de grand format est présent dans la cathédrale de Nantes. Il semblerait qu’actuellement on redécouvre ce peintre et que ces toiles voient leur cote monter !
Karen a bien rempli son contrat et, son enquête qui a tenu en haleine la bonne cinquantaine de personnes présentes dans l’église, a bien été résolue ! Elle a promis de réaliser une plaquette reprenant sa brillante intervention.
Quelques échanges avec le public ont prolongé un peu la conférence et montré l’intérêt pris par l’auditoire durant l’intervention de l’oratrice.
Un aperçu de l'auditoire
Le pot de l’amitié qui a clôturé cette soirée originale a été l’occasion de nombreux échanges entre les participants pas tellement pressés de quitter les lieux. Encore une belle soirée à l’initiative d’Histoire et Patrimoine !
Moment convivial après l'intervention de Karen
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