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26 août 2016 5 26 /08 /août /2016 16:04

C’est dans sa chambre, à la maison de retraite de Saint-Christophe-sur-le-Nais, que Madame Danielo, très coquette et très éloquente, nous reçoit pour nous raconter son histoire. Une histoire peu banale comme vous allez pouvoir en juger par vous-même.

Madame Renée Danielo

Madame Renée Danielo

Il y a exactement 97 ans, dans le village de Jupilles, à l’orée de la forêt de Bercé, naissait le 15 août 1919, une petite fille, Renée Boulay. Elle y restera jusqu’à son mariage, 19 ans plus tard. Son père, comme beaucoup d’hommes du village, exerçait le métier de sabotier et, c’est dans la bonne odeur du bois que grandit la petite fille. « Ah ! Jupilles, c’est le village que je préfère. C’est mon village !» répète Renée avec un peu de nostalgie dans la voix et le regard.

Dans les années 1930, la jeunesse locale aimait bien se retrouver le dimanche après-midi pour danser à l’Hermitière. Est-ce là que la rencontre qui allait marquer le reste de sa vie eut lieu ? On peut le supposer. Toujours est-il que Renée rencontre un jeune homme d’origine grecque, Théodore Danielo, de 9 ans son aîné. Ce garçon a grandi en Asie mineure, dans les territoires du puissant empire ottoman. Suite au génocide arménien, il quitte son pays à l’âge de 13 ans et espère gagner les États-Unis. « Il a travaillé pendant un an pour pouvoir payer son voyage » explique Renée. La Croix Rouge le prend en charge mais le destin infléchira son projet. En mauvaise santé, très affaibli, il débarque à Marseille. Le voilà ballotté dans divers coins de France dont Paris puis la Sarthe. Et, c’est là, que son chemin va croiser celui de Renée. « Je crois que dès qu’on s’est vus, il s’est passé quelque chose. Ça doit être ce qu’on appelle un coup de foudre » confie Renée malicieusement. Et, rapidement, c’est le mariage à Jupilles. Nous sommes en 1938.

Un an plus tard, la guerre est déclarée. Après huit mois de ce que l’on a appelé « la drôle de guerre », la France capitule et les Allemands envahissent notre pays.

Théodore et Renée et leurs deux premiers enfants, 2 ans et 4 ans.

Théodore et Renée et leurs deux premiers enfants, 2 ans et 4 ans.

Une fois mariés, Renée et Théodore se sont installés à Dissay-sous-Courcillon où ils ont ouvert un commerce de café-coiffure. « Moi, je servais à boire et Théodore coupait les cheveux. Nous étions très heureux. »

Très rapidement, deux enfants vont venir égayer le foyer du jeune couple. Mais, l’occupation allemande s’installe jusque dans nos petits villages. Théodore est réquisitionné et doit partir au STO (service du travail obligatoire). Il refuse, devient réfractaire et gagne le maquis. « Il est parti dans la nuit. J’avais de la famille à Jupilles et à Saint-Vincent-du-Lorouer. Il est allé se cacher à Saint-Vincent. Quand les gens me demandaient où il était, je répondais toujours : En Allemagne bien sûr ! »

À partir de ce moment, la paisible cafetière de Dissay-sous-Courcillon va connaître une double vie. Pour protéger son époux, elle ne va pas hésiter à prendre des risques : elle entre dans la Résistance. Elle ne pense pas au danger, elle se mobilise contre l’ennemi : « À cette époque, j’étais jeune et totalement inconsciente des risques que je prenais. Je cachais des armes dans les tas de bois que j’avais autour de ma maison. Lorsqu’il y avait des parachutages, j’allais récupérer les parachutes pour les faire disparaître. Mais parfois, je gardais le tissu qui était bien solide pour faire des vêtements ! »

Que faisiez-vous des armes ? « J’en mettais dans le landau des enfants et en les promenant j’allais les livrer dans le maquis. »

Aviez-vous d’autres activités ? « J’avais un récepteur-émetteur que je cachais sous mon lit et la nuit, je communiquais avec le Forces françaises libres. Ah ! il fallait être jeune pour faire tout ça. Vous savez, des Allemands venaient tous les jours boire un verre dans mon café. Ils jouaient avec mes enfants, les embrassaient en me disant qu’eux aussi ils avaient des enfants chez eux. Ils ont toujours été polis et très corrects. »

Comment faisiez-vous pour communiquer ou rencontrer votre mari ? « Quand j’allais rendre visite à mes parents à Jupilles, il venait me rejoindre. Saint-Vincent ce n’est pas très loin. Nous faisions toujours très attention. Si des gens l’ont su, ils nous ont protégés car nous n’avons jamais été inquiétés. »

Lors de l’arrestation par la Gestapo d’une femme, mère de deux enfants, sans hésitation, elle prend les deux petits, les cache et les sauve ainsi d’un triste sort.

Le livret de famille de Renée et Théodore, une photo de Théodore et les documents attestant son rôle de Résistante

Le livret de famille de Renée et Théodore, une photo de Théodore et les documents attestant son rôle de Résistante

Heureusement, la guerre se termine et elle retrouve son mari. Soixante années de bonheur les attendent. Cinq autres enfants verront le jour, mais, une petite fille décédera un mois après sa naissance. Ce sont donc six enfants qui entoureront le couple.

Lorsqu’ils quitteront Dissay après avoir vendu leur commerce, c’est à Saint-Paterne-Racan qu’ils s’installeront et Théodore continuera à couper les cheveux dans son salon rue de la gare. « J’ai regretté Dissay, je m’y plaisais bien mais je n’ai jamais aimé Saint-Paterne. Je ne m'y plaisais pas.»

Et, les années passent, les enfants grandissent et la famille s’étoffe : 13 petits-enfants, 19 arrière-petits-enfants et 5 arrière-arrière-petits enfants. Toutes les photos sont affichées sur le mur de la chambre. « Comme ça, j’ai toujours de la compagnie» fait remarquer Renée jamais à court de répartie.

La plupart de ses enfants résident dans le secteur. Au moins une fois par semaine, elle va manger chez eux. Elle souhaite retourner à Jupilles revoir quelques personnes. Cette année, elle a participé au centenaire de la Fopac (Fédération ouvrière et paysanne des anciens combattants). Pour rien au monde elle n’aurait manqué ce moment de retrouvailles avec ses frères d’armes.

Il y a quelques années, Henri Zamarlik, alors conseiller général du canton de Neuvy-le-Roi, lui avait remis la médaille de la Reconnaissance de la Nation alors qu’elle venait d’être décorée de la Croix du combattant. À 97 ans, Renée a « toujours bon pied bon œil » comme le dit l’une de ses filles. Elle soigne sa tenue, aime beaucoup les couleurs vives et semble très heureuse : « Je suis bien dans ma petite maison (sa chambre de la maison de retraite). Le personnel est très gentil. »

Puis, après un court silence, elle termine l’entretien par ces mots : « Quand on repense à tout ça, je me dis que j’étais vraiment inconsciente du danger que je courais. Pour moi, c’était normal de faire ça. Mais, ce que je souhaite, c’est qu’il n’y ait plus jamais de guerre, c’est trop horrible ! »

Puisse-t-elle être entendue ! Malheureusement ce qui se passe actuellement dans le monde ne va pas dans la direction souhaitée par Renée, la Résistante. 

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L'histoire de St Christophe commence aux environs de l'an mil. A cette époque, les seigneurs d'Alluye y établissent une forteresse (motte féodale) visible dans l'enceinte du cimetière. Au XIe ou XIIe siècle, un donjon en pierres est alors construit et ses ruines témoignent de l'histoire du village.

 

Ce dépliant, disponible en mairie, permet de visiter la cité et de découvrir le riche passé de notre commune.
Ci-dessous, le coeur du village, la place Jehan d'Alluye.
 


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