Pour la dernière manifestation de l’année organisée par l’association « Autour de la Collégiale de Bueil », la météo avait pris des couleurs automnales et les marrons grillés et la bernache offerts dès l’arrivée étaient très appréciés. Dans la cave où avaient lieu les contes malgaches, un très agréable feu de cheminée réchauffait l’atmosphère. Tout était donc pensé pour que la soirée se déroule sous les meilleurs auspices.
Bernache et châtaignes grillées sont très appréciées
Pendant que le nombreux public prenait place, la conteuse, Mary des Ailes, de son vrai nom Sophie Bazin, était assise sur la scène, revêtue d’une longue robe verte et les épaules recouvertes d’un grand lamba aux couleurs vives qui mettaient une touche lumineuse dans la pénombre de la cave. Sa fille, Zoé, jouait en sourdine du valiha, variété de cithare tubulaire en bambou, instrument incontournable de Madagascar.
Le public s'installe et Zoé joue du valiha
Dès que les spectateurs furent installés, Didier Descloux, le président, présenta la soirée et signala qu’exceptionnellement, « elle se déroulera en deux parties avec un entracte d’une dizaine de minutes car le programme est assez copieux. Je vous signale aussi, que le compagnon de notre conteuse, Johari Ravaloson, est parmi nous car, en ce moment, il est en résidence à la Maison des Écritures de Neuvy-le-Roi. »
Didier présente la soirée
Avant le premier conte à son répertoire, Mary des Ailes présenta le valiha et demanda au public : « Quand à la fin du conte (angano) je dirai : Angano, angano, vous répondrez : arira, arira (foutaises, foutaises). »
La conteuse présente le valiha
Et, à partir de là, les contes s’enchaînèrent, magnifiques, captivants, drôles avec toujours une morale pour terminer. De temps en temps, un petit interlude musical avec le valiha de Zoé ou des chants malgaches interprétés par Sophie, Johari et leurs deux enfants, Zoé et Arthur, transportait les spectateurs dans les paysages si bien contés par Mary des Ailes.
La conteuse au cours du spectacle, tantôt seule, tantôt avec ses enfants.
Le petit entracte permit de discuter avec Sophie et Johari et de connaître leur action en faveur des enfants malgaches.
Sophie Bazin, alias Mary des Ailes et Johari Ravaloson
Artiste plasticienne, Sophie Bazin signe ses œuvres de son pseudonyme. Quand, en 2008, elle s’installa à Madagascar, elle remarqua que « les livres, là-bas, ne sont pas très beaux. Normal, car cela ne fait pas partie des préoccupations principales des familles sur place. L'idée m'est venue de publier des livres plus jolis à destination des bibliothèques locales et de les rendre ainsi accessibles à tous. Plusieurs albums pour les enfants ont été déjà réalisés par des élèves. En Mayenne, j'ai trouvé un excellent soutien auprès de l'association Ambohimad qui est devenue partenaire du projet.»
Johari qui a fait des études de droit, est auteur de nouvelles, de romans et de livres pour la jeunesse. Il explique : « Nous intervenons dans des classes de CM1-CM2, en France et à Madagascar et travaillons avec les enseignants. Avant notre venue, les enfants, Français et Malgaches, doivent, avec l’aide de leurs parents, rapporter un conte lié à leur région. Ensemble nous étudions le conte et les enfants l’illustrent. Les écoles correspondent entre elles et font des échanges. Moi, je m’occupe de traduire les contes français en malgache et vice-versa. Les écoles reçoivent les livres contenant les contes entièrement illustrés par les enfants. »
Et, Mary des Ailes ajoute : « C’est grâce à ce travail de mémoire qui fait resurgir des contes parfois oubliés que je peux alimenter mon répertoire. À Madagascar, les histoires et chansons sont issues de contes et légendes souvent féroces, comme Takalo, histoire d'un bébé ogre qui veut manger ses parents. »
Comment faites-vous pour l’impression et l’édition des livres ?
Avec une association d’artistes, nous avons créé la maison d’édition « Dodo vole » qui s’est donnée pour ambition de défendre les cultures en voie de disparition et les minorités discrètes du sud-ouest de l’océan Indien. Afin d’outiller les langues régionales, nous avons dès le départ publié en français et en créole réunionnais, puis rapidement en malgache et en malgache régional. Le nom Dodo, vient de l’oiseau de la Réunion qui ne volait pas et qui s’est ainsi fait massacrer par les marins qui arrivaient à terre. L’espèce a totalement disparu. D’avoir accolé à Dodo le verbe vole veut montrer que nous souhaitons un envol de ces cultures et non leur disparition. C’est aussi ce symbole que l’on retrouve dans Mary des Ailes.
Comme nous vivons depuis 2 ans à Caen, nous sommes aussi un peu aidés par la Maison de Normandie.
Avant la reprise du spectacle, nous avons pu feuilleter quelques ouvrages. Il faut reconnaître qu’ils sont magnifiques et les dessins des enfants sont assez enchanteurs !
Les livres pour enfants illustrés par les enfants : Katra (prononcer Katcha) et le crocodile rouge ont été contés au cours de la soirée
L’entracte achevé, chacun reprit sa place et la conteuse laissa la place à Johari pour conter l’histoire de Ietsé, géant vénéré par les Malgaches, qui vivait il y a fort longtemps, à l’époque où la lune avait une sœur jumelle.
C’est lui qui, pour abreuver les zébus eut l’idée de faire un barrage sur la rivière et créa ainsi un lac, le lac Ietsé, qui existe toujours. Avec son épouse, le soir, ils s’asseyaient au bord du lac et contemplaient les deux lunes qui se miraient dedans. Son jeune fils, à qui il ne refusait rien, lui demanda d’aller lui chercher la lune. Le géant sauta, sauta, finit par saisir une lune mais eut beaucoup de mal à la tirer vers le sol. Finalement, il s’écrasa au sol et la lune disparut au fond du lac. Voilà pourquoi il n’y a plus qu’une seule lune !
La dernière histoire fut celle du tamarinier, arbre magique, qui peut illustrer ce proverbe : « Bien mal acquis ne profite jamais ! »
C'est à Johari qu'incomba de raconter le conte sur le géant Ietsé
Avant que le public ne se disperse, la conteuse invita tout le monde à reprendre avec elle la chanson de Takalo et c’est sous un tonnerre d’applaudissements que cette belle soirée se termina.
C'est par un chant en famille que se termina cette magnifique soirée.